Plaisir au Féminin & Maternité et Handicap moteur

 
Plaisir au Féminin


Extrait:
Un orgasme indépendant de la moelle épinière.
Grâce à des études menées par les mêmes chercheurs dans les années 90 auprès de femmes dont la moelle épinière était complètement sectionnée, on s'aperçut alors que
l'orgasme, que l'on savait être une réponse du cerveau à des stimuli locaux (vagin, clitoris, etc.) pouvait exister sans passer par la moelle épinière : l'hypothèse étudiée actuellement étant que les stimuli et réponses passeraient par un nerf, dit "vague", court-circuitant la moelle épinière.

Pour la femme handicapée, retrouver une sexualité après une blessure médullaire ou une maladie invalidante est un sujet rarement évoqué. Pourtant, il existe des clés, incontournables dans l'acquisition d'une nouvelle vie sexuelle.
"Mmmh, mon cou!...Il est tellement sensible. Mes oreilles et ma bouche le sont aussi. Mais les caresses que je préfère, c'est dans le cou!...", confie sensuellement Samia, la main sur le cou, dans un large sourire. Handicapée à l'âge de 20 ans des suites d'une agression à l'arme blanche, de longues années se sont écoulées avant que cette très belle femme de 31 ans ne dépasse l'épreuve qui a fait basculer sa vie. Aujourd'hui en couple et enceinte de cinq mois, sa "vie d'après", comme elle l'appelle, lui procure néanmoins des plaisirs physiques intenses, même si Samia n'a pas les mêmes sensations sexuelles qu'avant. Paraplégie et tétraplégie entraînent des troubles de la sensibilité des organes génitaux externes et internes. Peu d'informations sont objectivement connues sur les sensations et réactions sexuelles de la femme handicapée, excepté la baisse du désir et de l'activité sexuelle après l'accident survenue en pleine maturité. Il faudra attendre 1995 pour que des études sur le sujet voient le jour, grâce aux scientifiques Sipski et Alexander. Ainsi ont-ils conclu que les réactions sexuelles dépendent de la hauteur de la lésion médullaire: trop haute et toute sensation est absente; plus basse, et une gradation toute en nuances est possible. Seules les femmes atteintes de lésions incomplètes font état d'un orgasme pratiquement similaire au vécu antérieur. Certaines d'entre elles, sujettes à l'hypersensibilité, se plaignent de sensations désagréables au niveau du clitoris, qui leur déclenchent des contractures. La grande majorité des autres décrivant un orgasme plus faible ou différent, appelé para-orgasme. Samia, dont les caresses le long du cou déclenchent de vif émois, ou Gabrielle, tétraplégique, dont la sensibilité sus-lésionnelle s'est développée avec la pratique, connaissent souvent ce para-orgasme: une "sensation puissante", "chaleur intense" ou "grand frisson" selon les mots de chacune, déclenché par l'excitation de parties du corps sans rapport avec l'anatomie sexuelle. Lèvres, nuque, cou, épaules, ventre, fesses et seins, ces zones érogènes dites "secondaires", au-dessus de la lésion, se révèlent d'une grande sensibilité. "Il existe deux populations de femmes handicapées", explique Evelyse Hugues, sexologue au centre de rééducation Propara à Montpellier. "Celles qui ont connu l'orgasme avant, et celles qui ont tout à découvrir, l'accident étant survenu à l'adolescence par exemple. Les premières, nous les informons d'emblée qu'une nouvelle forme de sexualité leur demeure possible, ainsi que la procréation. Auprès des secondes, le discours est plus délicat mais mon objectif est de les informer aussi rigoureusement et rapidement que le sont les hommes accidentés, eux dont les solutions techniques en cas de problème d'érection sont évoquées sans tabou. Le fait qu'elles puissent physiquement faire l'amour ne doit pas masquer leur besoin de parler des préliminaires, des positions du corps, de la recherche de l'excitabilité, etc..". A la suite du centre Kerpape, en Bretagne, le centre Propara a mis en place des groupes de parole composés uniquement de femmes, aux côtés d'un sexologue ou d'un médecin. Tous les sujets y sont librement abordés, du plaisir au désir de maternité. Les anciennes patientes témoignent de leur vécu quotidien auprès des nouvelles qui, comme Marie-Josée âgée de 50 ans et tétraplégique depuis un an, redoutent de rentrer chez elles: "Je suis ravie d'entendre les autres femmes car j'apprends beaucoup. Je n'ai pas eu de rapport depuis mon accident: j'ai très peur et je ne me sens pas prête". Des craintes, toutes n'en ont pas. Gabrielle, la jeune maman de Marie, beau bébé de 5 mois, se souvient de ses 20 ans. Tétraplégique, elle n'hésitait pas à appeler SOS médecin pour être sondée avant de recevoir chez elle ses compagnons de nuit, avec plaisir et sans complexe. Mais pour la majorité des femmes, de toutes les difficultés à surmonter, la peur de la perte incontrolée des urines au cours du rapport sexuel est la principale. Certaines célibataires en viennent à abandonner toute vie sexuelle ou à rompre une relation naissante de peur d'être confrontées à ce problème. D'autres, mariées et mère de famille, ont conscience d'être retenues par cette crainte du blocage, sans pour autant réussir à la dépasser, comme Béatrice, 35 ans, accidentée à 18 ans, juriste et mère de deux enfants: "Durant l'acte sexuel, je sens que je pourrais aller plus loin mais je crains la fuite. Je ne me lâche pas. Je garde le contrôle et n'atteins pas l'orgasme". Maitriser l'incontinence est une priorité pour la (re)construction sexuelle, comme le confirme la sexologue Bernadette Soulier: "Se mouiller ou se salir est un accident vécu par la femme comme une humiliation profonde. C'est compréhensible. Normalement ce sont les petits enfants qui se mouillent. Mais cela peut devenir un prétexte qui cache une thématique plus profonde, celle de l'autre et de son regard, le sentiment d'humiliation ou la non-acceptation de son nouveau corps, de son handicap".
La fuite, un tue-l'amour A ce jour, pour maîtriser l'incontinence urinaire et/ou fécale, quelques solutions existent. Déjà, deux règles d'or doivent être appliquées: vider la vessie et les intestins et s'abstenir de boire une heure avant l'acte. Trois techniques permettent une sexualité la plus épanouie possible: la stomie continente, qui évite la présence d'une poche (lire article dans Faire Face n°605), le stimulateur de brindley, qui permet le contrôle de la vessie par une puce électronique stimulée par un boîtier extérieur et, enfin, l'agrandissement vésical (entéro-systoplastie), la technique la plus utilisée par les personnes paraplégiques. D'autres méthodes sont largement décrites par la sexologue Bernadette Soulier, dans son ouvrage "Un amour comme tant d'autre? Handicaps moteurs et sexualité" édité par l'APF. Sonde à demeure, poche de Bricker (dérivation continue des urines), poche de colostomie (dérivation continue du colon), l'usage d'un obturateur urétral ou anal, la suppression des épines irritatives.
En effet, au-delà de tous les problèmes techniques que le handicap pose durant l'acte sexuel, prendre du plaisir passe d'abord par la reconnaissance de son corps dans ses nouvelles potentialités sexuelles, à découvrir et inventer. Si tant est que deux principaux conflits sont dépassés: le souci de la performance sexuelle et le problème des fuites, qui provoque un conflit interne de "souillure". A propos de ce dernier, à en croire les sexologues spécialisés dans le handicap, les hommes qui ont fait le choix de vivre auprès d'une femme handicapée sont moins gênés par les fuites que leur compagne. Aussi, le simple fait de confier au conjoint ses sentiments et ses craintes permet déjà de prendre conscience des freins respectifs en dehors du handicap, tels que des blocages psychologiques, éducatifs ou culturels. Grâce au dialogue avec le partenaire, qui voit la femme telle qu'elle est, celle-ci peut également dépasser son éventuel conflit de performance sexuelle, c'est à dire ses frustrations ou ses fausses croyances, de devoir donner du plaisir ou d'en être impuissante. Ensemble, à travers les mots et les gestes, voies médianes et chemins de traverse sont à découvrir pour dépasser les peurs et réinventer des jeux érotiques. Car une relation sexuelle entière implique un réel échange à différents niveaux, et pas exclusivement celui du sexe. Cette approche nécessite parfois une aide extérieure, celle d'un spécialiste de confiance, plutôt sexologue et thérapeute que gynécologue. Une prise en charge thérapeutique, individuelle ou en couple, aide chacun à poser les bonnes questions, à soi-même puis à l'autre. Une première étape vers la reconstruction d'une identité en tant que partenaire sexuelle.
Article: de Carole Bourgeois (Faire Face Avril 2003 n°608)
 

Site très intéressant sur la sexualité des femmes paraplégiques, maternité, grossesse, astuces vue par NADE.
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http://www.c5c6csex.com/maternite.htm


Sujet tabou "Maternité et handicap moteur"


Oser être mère, maternité et handicap moteur. Ce livre est le premier sur ce thème, c'est dire combien le tabou est grand. Combien la société occulte ces femmes qui ont choisi comme des millions d'autres, d'être mères. Delphine Siegrist est l'auteur de cet ouvrage. Pour elle, écrire ce livre c'était d'abord informer les femmes handicapées moteur que la maternité c'est possible.
Dans l'imaginaire des gens, le frein est beaucoup plus grand que dans la réalité. Le problème c'est que les femmes vont intégrer le regard négatif que la société porte sur ces maternités-là. Or il s'avère que ces femmes peuvent tout-à-fait être mères. Les questions d'ordre pratique trouvent toujours des solutions. Et surtout toutes ces mamans peuvent embrasser leur enfant, le chouchouter, le câliner, le gronder s'il fait des bêtises, lui raconter une histoire et l'aimer tout simplement. Et je crois qu'un enfant qui est aimé, quelle que soit la capacité physique de la mère, c'est çà qui est important.
Delphine Siegrist a écrit un livre pédagogique, un livre qui répond à toutes les questions pratiques que l'on peut se poser. Est-ce qu'une grossesse ne va pas aggraver mon handicap? Est-ce que je peux transmettre ma déficience? Toutes ces questions difficiles, mais qu'il faut avoir résolu avant de se lancer dans la maternité. Et l'auteur explique aussi très concrètement comment langer ou baigner son bébé quand on est en fauteuil. Enfin, dans chaque chapitre on peut lire des témoignages bouleversants.
Mes maternités m'ont vraiment épanouie, elles ont développé ma sensibilité. A travers elles, mon corps de souffrance et de désespérance est devenu un corps d'amour fait pour donner la vie.
Il ne faut pas trop penser aux conséquences de la grossesse avant d'avoir un enfant. Si je l'avais fait, je ne me serais pas lancée dans cette aventure. On pense souvent que la maternité n'est pas possible, or elle se construit jour après jour.
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Oser être mère, maternité et handicap moteur est paru aux éditions Douin avec le concours de l'assistance publique des hôpitaux de Paris.

Désirer un enfant
Avoir un enfant, une belle aventure... qui se prépare. Regard des autres, risques de santé éventuels, les femmes handicapées peuvent rencontrer nombre d'obstacles dans leur projet. Le manque de confiance en soi est sans doute le premier à surmonter. "Pour avoir un enfant, mieux vaut avoir régler ses comptes avec le handicap", témoigne une mère. Il faut être bien dans sa tete et bien dans son corps!
Pour être bien dans son corps avant de débuter une grossesse, il vaut mieux faire le point sur sa santé. C'est auprès du médecin spécialiste (Urologue, Cardiologue, Neurologue...) qu'il convient de faire ce bilan.
Neuf mois d'attention
Au cours de la grossesse, le corps est davantage sollicité. Il est important de savoir gérer et anticiper les modifications qui en découlent. Car la mère doit être en bonne santé pour le bien de son enfant à naître, mais elle doit aussi pouvoir continuer à etre indépendante. Voici quelques-uns des points sur lesquels il faut être attentif.
Le poids: La surveillance du poids n'est pas toujours facile à faire dans la mesure où les balances ne sont pas adaptées. Toutefois, prendre peu de poids garantit l'autonomie. Ceci est particulièrement vrai au dernier trimestre où les actes deviennent plus difficiles à réaliser. Il faut manger de tout, régulièrement mais sans excès.
Les infections urinaires, la constipation: La constipation est fréquente chez toutes les femmes enceintes. Mais la position en fauteuil roulant et le déficit de mobilité sont des facteurs aggravants. Pour l'éviter, il faut manger des aliments contenant des fibres, des fruits, aller à la selle régulièrement et boire (1 litre et demi par jour). C'est une nécessité pour contribuer à éviter les infections urinaires. Bien sûr les envies d'uriner sont plus fréquentes chez les femmes enceintes et il n'est pas aisé pour celles en fauteuil roulant de trouver des toilettes adaptées. Les femmes médullaires qui ont une prédisposition aux infections urinaires doivent être particulièrement vigilantes sur ce point.
Les médicaments: Certains ne sont pas compatibles avec la grossesse. Il faut, avant, faire le point avec son médecin traitant.
Les oedèmes: Conséquences de troubles circulatoires, les gonflements touchent principalement les membres inférieurs. Ils sont aggravés par la position constante en fauteuil roulant. Ils peuvent conduire à des phlébites ou être irréversibles même après l'accouchement. Pour les éviter, plusieurs solutions: porter des bas de contention, s'allonger en journée et la nuit, surélever les pieds du lit.
Les douleurs: Une position assise constante associée à la prise de poids durant la grossesse peut entraîner des lombalgies, des sciatiques douloureuses. Il est possible de les prévenir: par un travail de détente, de relaxation fait ou non par une sage-femme, des activités physiques douces voire de la kinésithérapie.
Blessures médullaires: Des complications peuvent survenir au cours de la grossesse. La plus fréquente concerne les infections urinaires. Elles nécessitent parfois des hospitalisations. Il est recommandé, quand cela est possible, de pratiquer l'auto-sondage car les sondes à demeure augmentent considérablement les risques d'infections. Chez les femmes tétraplégiques, mieux vaut effectuer un bilan neuro-urologique complet avant la grossesse. Il permettra le dépistage de complications et la mise en place d'un mode mictionnel adéquat. Les escarres sont également des causes d'hospitalisation. Les femmes enceintes doivent surveiller leur peau, d'autant plus fréquemment qu'avec l'augmentation du poids les appuis sont davantage délétères. Les femmes dont la lésion est inférieure à D10 peuvent percevoir les mouvements de leur bébé, les autres peuvent apprendre à les discerner de façon indirecte, en posant, par exemple, une main sur leur ventre.
Portrait: Anne
38 ans, célibataire, mère d'un enfant (7ans). Tétraplégique C5/C6 depuis l'âge de 21 ans, en fauteuil électrique.
Vers 30 ans j'ai rencontré quelqu'un. Au bout de 2 mois, j'étais enceinte. J'ai ressenti d'abord des nausées. On ne comprenait pas ce qui m'arrivait. Quand la grossesse a été identifiée, j'ai annoncé la nouvelle à ma famille. Je savais que je pouvais compter sur mon entourage. C'était un élément très important dans mon choix. Je savais aussi que, financièrement, je pouvais recourir à l'aide humaine dont j'allais avoir besoin pour mon enfant et moi. Le gynécologue de la clinique m'a encouragée à poursuivre la grossesse. J'ai fait un début de phlébite. Tous les jours, on m'injectait de la calciparine. Je parvenais à sentir mon enfant à l'intérieur de moi et puis je regardais mon ventre bouger. C'était un grand bonheur. La grossesse ne changeait pas grand chose à ma vie quotidienne. Les transferts se faisaient toujours avec le lève-malade. J'ai continué à aller à la piscine jusqu'à 5/6 mois. L'eau décuplait les sensations. Je n'ai pris que 7 à 8 kg. Je faisais attention aux escarres. Mon souci majeur a été la vessie. J'avais une sonde à demeure mais plus la grossesse avançait plus elle s'éjectait. J'étais constamment trempée et je devais redoubler la surveillance de ma peau. Vers la fin de la grossesse, je n'en pouvais plus. J'ai demandé à être hospitalisée 15 jours avant l'accouchement. A l'hôpital, pour mon confort, j'ai obtenu l'autorisation de faire venir une garde-malade car le personnel non formé au handicap ne savait pas m'aider. J'ai accouché par les voies basses, sous péridurale. A la maison, j'avais recruté une nounou qui dormait là. Je donnais toujours le biberon, même la nuit. La nounou m'amenait l'enfant, on le calait sur un coussin et je le nourrissais. J'étais présente dans tous les actes même si je ne pouvais pas les faire. Je chantais des chansons. Je portais mon enfant contre moi. Le contact physique, entre nous, a été permanent. Cet enfant est le sens de ma vie. C'est un magnifique défi face au handicap.
Découvrir son bébé
Lors de la naissance, l'enfant vient au monde et la femme naît à sa maternité. C'est toujours un moment d'intense émotion. L'accouchement est souvent source d'inquiétude. Comment va-t-il se passer? Voies naturelles, césarienne? Les contractions seront-elles ressenties? Les questions se bousculent. A son propos circulent des idées fausses. On pense à tort que les césariennes sont presque systématiquement pratiquées chez les femmes ayant un handicap moteur. Or, beaucoup d'entre elles (Paraplégiques, tétraplégiques, imc...) accouchent par les voies naturelles lorsqu'il n'y a pas de problème purement obstétrical. Même si les muscles abdominaux sont faibles ou ne peuvent être volontairement contractés, l'utérus assure son travail d'expulsion de façon automatique. C'est l'obstétricien qui détermine le mode d'accouchement et, avec l'anesthésiste, des modalités d'administration d'un analgésique. Certaines pathologies avec des troubles associés (cardiaques, ophtalmiques, vasculaires...) sont orientées d'emblée vers la césarienne avec ou sans anesthésie générale. Des antécédents de fractures ou des déformations du bassin sont des contre-indications à l'accouchement par les voies naturelles et parfois aussi à des anesthésies périmédullaires (péridurale et rachi-anesthésie). Après la naissance, les femmes devenues mères sont souvent envahies de sentiments partagés entre joie et inquiétude. Tout en apprenant à découvrir leur nourrisson, elles ne doivent pas oublier de veiller aussi à elles. Car l'accouchement fatigue. Il laisse, parfois, des cicatrices gênantes voire douloureuses. La cicatrisation de l'épisiotomie, quand elle a été pratiquée, doit être surveillée de près surtout chez les femmes incontinentes et privées de leur sensibilité. C'est également dès les premières montées de lait en dehors de contre-indications (usage de médicaments ou état général) que le choix de l'allaitement doit se faire. Certaines femmes trouvent le sein pratique, d'autres plus contraignant. Le passage à la maternité peut être l'occasion, avec l'aide des infirmières ou assistantes maternelles, de trouver les "trucs et astuces" pour tenir le bébé, l'attraper, le langer... Il arrive aussi qu'après la naissance la mère se sente mélancolique, d'humeur instable voire ne cesse de pleurer. C'est ce que l'on nomme le "baby blues". Le handicap n'est pas un facteur déclenchant de cet état. Il est important que la maman soit bien entourée. Avoir bien préparé le retour à la maison contribue à apaiser les angoisses. Reste le temps pour apprivoiser cette toute nouvelle relation.
Portrait: Emilie
36 ans, séparée, 1 enfant (15 ans). Paraplégique L1/L2 depuis l'age de 15 ans.
Ma grossesse s'est bien déroulée. J'étais confiante, je me sentais bien. Je pense que mon entourage a eu quelques inquiétudes. Mon kiné de l'époque m'a beaucoup encouragée. Il m'a aidée à avoir confiance en mon corps. Le gynécologue m'a imposé des rendez-vous toutes les 3 semaines avec échographies régulières et prescription de progestérone alors qu'il n'y avait aucun signe de contractions. Malgré nos rencontres régulières, il y avait de la distance entre nous. Il prévoyait une césarienne. J'ai pris 20 kg, ce qui a créé au fur et à mesure des difficultés pour les transferts, les toilettes et l'habillage. J'ai conduit jusqu'au 7eme mois. J'ai recherché des informations sur la paraplégie et la grossesse mais je n'ai rien trouvé à l'époque. Je pensais que mon gynéco se renseignerait lui-même. J'ai vécu cette grossesse sur un petit nuage en passant le plus clair de mon temps à lire, prendre le temps de vivre et sentir mon corps fabriquer mon bébé. Je devenais de plus en plus incontinente au fur et à mesure que le bébé grossissait. J'ai accouché par les voies basses avec 3 semaines d'avance. J'ai été épisiotomisée. Mon bébé est resté en pouponnière dont 4 jours en couveuse. Moi, j'ai été hospitalisée pendant 15 jours car l'épisiotomie avait du mal à cicatriser. Dans le service de maternité tout s'est bien passé à part l'accessibilité. Dans celui de pédiatrie, c'était plus difficile. Les berceaux étaient trop hauts, je devais attendre qu'une infirmière passe et me donne mon bébé. C'était très difficile à vivre.Au bout de 15 jours, on m'a enfin amené mon enfant. J'ai rattrapé le temps. Chez moi, je le changeais sur le lit entre mes jambes. J'utilisais un "sac à bébé" en forme de hamac pour le porter. C'était très pratique pour l'allaitement et les ballades.
Retrouver son toit
De retour chez soi, une nouvelle page de la vie s'ouvre. Ce petit bout d'homme bouscule le quotidien. Entre les nuits incomplètes, les soins, le biberon ou les taches domestiques, la journée est bien remplie. La mère n'a plus guère le temps de penser à elle. Pourtant, le retour de couche est une période délicate. Le corps est encore fatigué. Il a subi des bouleversements. Il va lui falloir un peu de temps afin de retrouver son état intial. La mère doit continuer à veiller à son alimentation: manger de tout, ne pas sauter de repas, boire beaucoup, surtout si elle allaite. Elle ne doit pas non plus baisser la garde de la surveillance de sa peau, surtout si elle est blessée médullaire. Il arrive aussi qu'envahie par le quotidien, des doutes s'immiscent, renforcés parfois par ceux de la famille ou de proches. Il ne faut pas hésiter à en parler et ne pas s'installer dans une souffrance psychique. A la maison, la mère s'aperçoit très vite que son bébé s'habitue à son handicap. Tous les parents handicapés témoignent de l'adaptation instinctive de leur enfant à leurs capacités motrices. Leurs petits se font naturellement "plus légers", "présentent leur dos", "se raidissent" alors qu'avec des personnes valides ils se comportent tout autrement. Mais leur adaptation ne doit pas faire oublier la sécurité. Des petits astuces simples, issues de l'expérience de mères, existent. Autour de la table à langer qui peut être une table, un bureau... doit se trouver tout le nécessaire (coton, couches, vêtements...). Au fond des baignoires, il est possible d'installer une sorte de transat en toile ou en plastique. Il empeche l'enfant de glisser et les mains sont ainsi libérées. Ces "transat" sont vendus en grande surface ou dans les magasins spécialisés. Pour porter l'enfant en fauteuil roulant, il faut penser à le maintenir attaché contre soi. Des porte-bébés (choisir ceux qui s'attachent par devant), large ceinture ou grand châle font l'affaire. Beaucoup de mamans saisissent leur tout petit d'une main car elles ont besoin de l'autre pour assurer leur équilibre en s'accrochant à leur fauteuil ou à d'autres prises. Elles enfilent alors des vetements solides ou un harnais. Une maman a eu l'idée de glisser son bébé dans une sorte de filet. Elle peut ainsi le déposer sur le sol et le mettre dans l'eau. Pour le lit, il est préférable de choisir ceux dont la hauteur de matelas est réglable (souvent trois positions) car ils peuvent évoluer avec l'enfant. Il faut veiller au système d'abaissement des barreaux et préférer ceux qui ne nécessitent pas l'utilisation conjointe des deux mains. Les mères trouvent, au fur et à mesure, les astuces qui leur conviennent et sont adaptées à leur handicap. Certaines déplacent leur bébé dans des poussettes même à l'intérieur de la maison, d'autres ont fixé une chaise haute ou un baby relax sur une table roulante... L'échange avec d'autres mères est utile pour découvrir les astuces malignes. Ensuite, "il faut avoir confiance en soi et en ses capacités. Si tel est le cas, personne ne pourra jamais mettre en doute ni un projet d'enfant, ni la maternité", témoigne Véronique, en fauteuil roulant et mère de trois enfants. L'amour maternel est plus fort que tout.
Dossier réaliser par Delphine Siegrist (Faire Face Mars 2003 n°607)