Erotisme et Handicap moteur,
Erotisme et actes sexuels.
 
Erotisme et actes sexuels
- "L'activité sexuelle des hommes n'est pas nécessairement érotique", que l'on soit handicapé ou pas. Elle l'est chaque fois qu'elle n'est pas rudimentaire, qu'elle n'est pas simplement animale (G Bataille). La personne handicapée n'est ni plus ni moins handicapée au plan sexuel que la personne valide. Ce qui les différencie, c'est que la première doit surpasser son handicap, pour s'estimer dans sa réalité corporelle, développer ce qu'elle a, reconnaître ce qu'elle n'a pas ou ce qu'elle n'a plus pour rencontrer l'autre.
- La personne handicapée ne peut se contenter d'être à la mode. Son handicap la contraint à briser une norme esthétique pour inventer, créer son activité sexuelle qui peu être, a priori, considérée comme plus érotique, malgré certaines difficultés de mouvements, de déplacements et de postures. On peut donc inférer que la personne handicapée qui engage sa vie affective et sexuelle brise une norme esthétique, et de là à penser qu'elle ne peut répondre à une norme "génitale", il n'y a qu'un pas. Sexualité et génitalité étant des notions confondues, elle est confrontée à des préjugés dues à nos perceptions collectives de la sexualité (critères esthétiques, rôles sociaux, modèle de puissance, etc.).
- A partir de ces perceptions collectives, les facteurs organiques du trouble sexuel seront facilement considérés par la personne handicapée et par l'entourage comme une conséquence du handicap.
La première difficulté pour la personne handicapée, c'est donc de faire la part de ce qui revient à la perte physique, ou dysfonctionnement organique, de ce qui ne lui revient pas, mais qui peut être lié au traumatisme (perte de confiance en soi, identité homme/ femme) et à l'histoire de la personne.
 
De l'érotisme au transfert orgasmique
- Hormis l'efficacité des érections provoquées par les moyens pharmacologiques chez les blessés médullaires notamment (tout dépend de l'ampleur de la lésion), créant "l'image ou l'illusion d'un pénis retrouvé" qui, dans tous les cas, restitue la possibilité de pénétration, l'endroit, même prévu, pour le plaisir, pour la femme comme pour l'homme (pénis, clitoris), reste insensible.
- Il n' y a rien à faire dans cette partie du corps, confient ces hommes ou ces femmes. Nos caresses nous restent au bout des doigts, par conséquent nous partons à la recherche de notre corps, de son plaisir, de la jouissance, d'abord dans la douloureuse expérience de ce qu'il peut encore ressentir et faire; a priori, nous ne faisons pas le deuil des plaisirs d'autrefois, nous faisons l'expérience de "l'état des lieux". Ensuite, il nous faut chercher ailleurs avec notre corps : cet inconnu, dans son mouvement, son déplacement avec nous même/avec l'autre : c'est un second dépucelage en quelque sorte : il nous repartir de zéro. Si l'on tend un peu l'oreille à ce qui est exprimé et vécu par ces hommes et femmes, on se rend compte qu'ils ou elles s'offrent une éducation érotique, notamment par une étape d'auto-érotisme tourné vers soi pour reconquérir une capacité à s'aimer soi-même, à s'estimer. Il ne s'agit pas là bien sûr d'un narcissisme génital, mais d'une forme d'identification nécessaire à un réinvestissement libidinal.
- La personne atteinte d'une blessure médullaire qui entraîne une perte de sensibilité sous-lésionnelle a une physiologie perturbée. Cependant, sa capacité d'accéder au plaisir sous forme orgasmique reste possible. Cela ne relève pas essentiellement d'un transfert de la zone érogène primaire aux zones érogènes secondaires, mais d'une capacité à réinventer le rapport amoureux et sexuel à partir d'autres représentations mentales (images, fantasmes...) qui sont expérimentées dans une nouvelle approche du corps à travers divers jeux sexuels, sensuels, par une redécouverte du toucher, des postures. L'expérimentation, il faut la vouloir, disent-ils (elles).
- C'est un déplacement dans la perception et la visualisation du plaisir à redécouvrir et à ressentir. Le corps ne révèle pas d'emblée ses secrets et notamment celui d'une jouissance possible de la partie haute du corps. C'est l'intensité du désir et de la relation amoureuse associée à une recherche érotique, qui déplace et récrée peu à peu de nouvelles zones érogènes, qui jusque-là, non seulement n'étaient pas vraiment sensibles, mais peuvent même au début, provoquer une sensation de déplaisir ou d'irritation. Ces zones deviennent progressivement sensibles au plaisir et de plus en plus fines suivant l'intensité du désir et de la manière de toucher ou d'être touché, jusqu'à la sensation première de frémissement d'une zone particulière (mamelons chez la femme, mais aussi chez certains hommes, ou encore d'autres zones : cou, oreilles, etc...) qui est diffuse et donne l'impression d'envahir tout le corps.
- La concentration visuelle y contribue généralement car elle se développe et renforce l'excitation de ces zones érogènes secondaires où l'image de l'érection (chez l'homme), ou de la vulve (chez la femme), garde toute son importance et y participe, tant sur le plan symbolique que comme objet de construction érotique.
- Cette nouvelle construction érotique révèle au couple un potentiel sensoriel, d'autres sensations de plaisir, un assouvissement qui peut prendre la valeur d'un orgasme vécu à travers la zone génitale (témoignages plus fréquent chez la femme). A ce stade, la personne blessée atteint une large réceptivité au-delà de la blessure, de sorte qu'elle n'est plus dans la négation de cette blessure, mais la dépasse, non pas dans un corps qui risque d'être imaginé comme avant le traumatisme, mais dans une nouvelle réceptivité-affectivité.
- Il ne s'agit donc pas là d'embellir mythiquement le passé: ceci est pour dire que l'art de vivre n'a pas d'histoire; il n'evolue pas: le plaisir qui tombe, tombe à jamais, in-substituable. D'autres plaisirs viennent, qui ne remplacent rien. Pas de progrès dans les plaisirs, rien que des mutations (R. Barthes).
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